Et si la Toussaint n’était pas qu’une journée de chrysanthèmes ?
Derrière la tradition, une histoire millénaire de mémoire, de transmission et de filiation.
Retour sur les origines de la Toussaint et sur ce qu’en disent les archives.
La Toussaint, un rituel ancien
Avant d’être un passage obligé du fleuriste, la Toussaint est une histoire de calendriers, de rites et de mémoire.
Chez les Celtes, autour de la fin octobre, on célébrait Samhain, la clôture de l’année des moissons et le passage vers la saison sombre.
On croyait alors que les frontières entre vivants et morts s’effaçaient, permettant aux esprits de revenir parmi les leurs.
L’Église, pragmatique, a repris la symbolique de cette période dès le VIIe siècle, avant de fixer la fête au 1er novembre sous le pape Grégoire IV, au IXe siècle.
La Toussaint devient alors la fête de tous les saints, connus ou anonymes.
Au Xe siècle, l’abbé Odilon de Cluny institue le 2 novembre comme jour de prière pour les âmes des défunts, dans les monastères de son ordre.
La coutume se diffuse rapidement à travers la chrétienté.
Deux dates, deux intentions… mais dans la mémoire populaire, elles se sont fondues en une seule :
la Toussaint est devenue la fête des morts.
Mémoire religieuse, mémoire civile
En France, la Toussaint traverse les époques : supprimée pendant la Révolution, elle est rétablie par Napoléon Bonaparte en 1802, dans le cadre du Concordat signé avec le pape Pie VII.
Ce texte réorganise les relations entre l’État et l’Église, et réintroduit plusieurs fêtes religieuses dans le calendrier civil, dont la Toussaint.
Depuis, elle demeure un jour férié de mémoire, y compris pour ceux qui ne vont plus à la messe.
On y parle moins de saints que d’ancêtres.
Les fleurs sur les tombes sont devenues un geste de filiation, parfois inconscient : une façon de dire « on ne t’oublie pas », même sans prière.
Dans les registres, la Toussaint laisse aussi des traces
Pour un·e généalogiste, le mois de novembre est un moment particulier :
on y voit réapparaître, année après année, des rites familiaux bien visibles dans les actes.
Les retours au village, les décès groupés par épidémie d’automne, les prières pour les défunts notées dans les marges.
Chaque mention, chaque date répétée rappelle non seulement la régularité d’un rite,
mais aussi la continuité des lignées — un fil qui traverse les générations, même quand les actes cessent de parler.
C’est la Toussaint dans les archives : silencieuse, mais constante.
Une mémoire qui relie les lignées
Qu’on soit du Nord ou du Sud, croyant ou non, la Toussaint parle de la même chose : la continuité.
Ces familles de mineurs, de vignerons, de métallos ou de paysans — toutes, à un moment, ont relié leurs morts aux vivants.
C’est souvent dans ces gestes que se lit la mémoire des métiers, des régions, des racines.
Et quand on remonte les arbres, on retrouve ces traces :
des patronymes gravés sur la pierre, des photos dans une boîte,
des souvenirs transmis « pour ne pas perdre la branche ».
Conclusion
Aujourd’hui, la Toussaint ne dit plus seulement « prions pour eux ».
Elle dit : « Regardons d’où l’on vient. »
C’est une fête de mémoire, mais aussi de méthode :
celle des généalogistes qui prolongent le souvenir par le travail, les archives,
et l’attention aux noms qui ont bâti nos vies.
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